Roger VANDERCRUSE
dit LA CROIX
19 novembre 1727 - 19 mai 1799
Reçu Maître le 6 février 1755
Parmi les ébénistes de grand talent qui ont le plus marqué la période Transition et contribué à l'évolution du mobilier vers le néo-classicisme, Roger Vandercruse occupe un des tout premiers rangs. Bien que d'origine flamande, il naît à Paris, dans le faubourg Saint-Antoine et le fait que son père, François y était établi lui permet de s'intégrer d'emblée dans le milieu des artisans parisiens. Sa soeur aînée, Françoise Marguerite, épouse Jean-François Oeben puis, devenue veuve, Jean-Henri Riesener.
Utilisant la transcription française de son nom, de La Croix, il choisit deux estampilles différentes, "R. Lacroix" et les initiales "RVLC". On rencontre parfois les deux estampilles juxtaposées sur un même meuble. Plus discrète, la seconde était peut-être destinée aux meubles qu'il fournissait à des marchands tels que Migeon, Daguère et Poirier.
En 1755, probablement après la mort de son père, Roger Vandercruse reprend l'atelier de la rue du Faubourg Saint-Antoine. Il acquiert très vite une grande notoriété que justifie la haute qualité de ses oeuvres et qu'atteste l'abondance de sa production.
Secrétaires galbés et tables à café
Le secrétaire Dutasta est marqueté de scènes chinoises dans le goût de Pillement. Il ouvre à deux portes que surmonte un abattant découvrant casiers et petits tiroirs. Des scènes chinoises pratiquement identiques figurent sur le secrétaire de la donation Grog-Carven au Musée du Louvre, mais ce meuble est pourvu de deux vantaux coulissants (fréquents chez Vandercruse) à la partie supérieure, de deux portes à la partie inférieure, un tiroir médian formant écritoire.
D'un raffinement encore plus poussé, les élégantes petites tables à café signées "RVLC" s'apparentent de très près aux modèles produits à la même époque, peut-être quelques années auparavant, par Bernard Van Risen Burgh (BVRB) : plateaux rectangulaires en porcelaine de Sèvres, pieds galbés à tablette d'entrejambe. Elles sont pour la plupart, ornées de marqueterie de treillages, parfois de fleurs sur la tablette d'entrejambe.
Ovales ou rondes, ces petites tables de salon sont généralement pourvues d'un tiroir formant écritoire. Dans leur grande majorité, elles se signalent, au premier regard, par leurs pieds à double cambrure et leur confèrent un profil tout à fait original, à nul autre pareil.
Autre particularité de ces tables, elles sont, pour la plupart, décorées de marqueteries dites "à la reine" faites d'un quadrillage régulier ponctué de quatre-feuilles ou de bleuets en sycomore teinté (bleu à l'origine), ébène, citronnier, bois de rose. Enfin, véritable marque de fabrique de l'ébéniste, une rosace feuillagée à cinq branches, qui semble pivoter sur elle-même comme un moulinet, apparaît dans la marqueterie de certaines de ces tables, au centre du plateau ou de la tablette d'entrejambe, voire sur les deux.
Ces marqueteries de quadrillage "à la reine" sur fond de citronnier, ornent également certains de ses meubles Louis XVI, tels que des consoles dessertes, des tables rectangulaires, des commodes, des encoignures, des meubles à hauteur d'appui et les deux bibliothèques du Musée Nissim-de-Camondo. Poussant plus loin l'emploi du citronnier, l'ébéniste, certainement le premier, l'utilise en grandes surfaces, préfigurant avec un demi-siècle d'avance le style Charles X.
Le bonheur-du-jour rectangulaire ou en demi-lune, devient alors le meuble le plus typique de sa seconde manière. Sur le fond de citronnier se déploie une très fine et rigoureuse marqueterie d'ébène ou d'amarante où l'on retrouve souvent, parmi les fleurons et les lambrequins alors en vogue, la caractéristique rosace pivotante.
Longue serait la liste de tous les autres meubles, d'une qualité toujours remarquable, produits par le célèbre ébéniste. Ils sont ornés de panneaux de placage ou de marqueteiries géométriques encadrés de fortes moulures en bronze ciselé. Les bronzes proviennent habituellement de fabrication de série mais ils sont toujours choisis parmi les modèles de la meilleure qualité.
En 1787 et 1788, les archives du Garde Meuble révèlent d'autres commandes passées à Roger Vandercruse et, cette fois, sans intermédiaire. Il s'agit de meubles en acajou, en particulier quatre bas d'armoire pour le Dauphin, une grande armoire à six portes pour la Reine, un paravent pour le Roi, etc.
Bibliographie
"Le Mobilier Français du XVIIIème siècle"
Page 784
Pierre Kjellberg
Les Editions de l'Amateur - 2002
Les Cahiers du Mobilier
Clarisse Roinet
Les Editions de l'Amateur - 2000
RVLC
Roger VANDERCRUSE
dit LA CROIX
1727 - 1799
Master 6 February 1755
Between 1769 and 1774 RVLC supplied furniture to the Garde-Meuble royal through Gilles Joubert for the Comtesse de Provence and the Comtesse d'Artois. He also worked for the marchand-mercier Poirier. Several small secrétaires decorated with porcelain plaques originated from his workshop as well as small tables, some of which may be dated to around 1760, and are identical to examples by BVRB. There are others in Neo-classical style with circular or oval tops which can be dated to about 1770 as wall as those with torchères with articulated candle-arms.
RVLC's work is stylistically homogeneous : the commodes are almost all of Transitional type, of rectangular form with central break-front and cabriole legs, the apron with a characteristic line of nine consecutive curves, and decorated with a head of Mercury. There are numerous examples of bonheurs-du-jour, some in chinoiserie taste with marquetry of small vases of flowers and various objects deriving from motifs on Chinese Coromandel lacquer screens ; these motifs were perhaps Topino's work.
Equally prolific was RVLC's production of small tables in which he made use of the repetition of certain motifs : overlapping circles, chequered patterns enclosing florets, overlapping lozenges, vertical yellow and green striations imitating straw marquetry, and twisted chequerwork representing metal lattice-work. For these tables, he developed a type of leg with double curve fitted at the level of the apron with a cross-piece, which is completely original.
In the 1770s, he frequently used light-coloured wood and citronnier as the ground for his marquetry work. By this means he created warm-coloured harmonies very similar to those on English furniture of the same period.
Bibliography
"French Furniture Makers"
Alexandre Pradère
Société Nouvelle des Editions du Chêne - 1989