La Famille Tilliard


Jean-Baptiste I TILLIARD
1686 - 10 novembre 1766



Membre d'une grande famille de menuisiers, fils de Jean Tilliard, mort en 1728, il aurait reçu la maîtrise en 1717 et travaillera toute sa vie rue de Cléry, où se trouve aussi l'atelier de son frère aîné Nicolas. Il est considéré, à juste titre, comme l'un des plus talentueux fabricants de sièges du règne de Louis XV. Menuisier ordinaire du Garde-Meuble de la Couronne dès les années 1730, il joue un rôle capital dans l'évolution du style rocaille, fournissant, entre 1737 et 1739, des sièges "nouveaux" pour le Roi et la Reine à Versailles. Un peu plus tard, de 1751 à 1756, il livre de nombreux ouvrages au prince de Soubise. Il compte aussi, parmi ses clients, la marquise de Pompadour, divers membres de l'aristocratie, un fermier général, Fontaine de Cramayel, et plusieurs marchands-merciers. Son fils, Jacques Jean-Baptiste, né en 1723, le seconde activement et sans doute prend-il une part de plus en plus prépondérante dans le fonctionnement de l'atelier. Ce n'est en effet qu'en 1764 qu'il se retirera des affaires. Il était alors âgé de soixante-dix-huit ans.

Jean-Baptiste Tilliard signait ses œuvres de son seul nom, sans les initiales de son prénom. Son fils conservera la même estampille. On comprend alors que l'attribution de certains sièges de l'un ou de l'autre s'avère difficile. Certes, les modèles franchement néo-classiques ne peuvent avoir été réalisés que par le fils et les modèles typiquement rocaille que par le père. Il n'en demeure pas moins que l'estampille "Tilliard", qu'elle que soit la main qui l'a insculpée, reste un label de qualité.

L'examen des très nombreux sièges de Jean-Baptiste I fait apparaître plusieurs traits caractéristiques que l'on retrouvera parfois dans l’œuvre de son fils. Le plus courant et le plus typique, un motif sculpté en forme de cœur, souvent inscrit dans un cartouche, orne le sommet du dossier et le centre, parfois les angles, de la ceinture. Il s'agit pratiquement d'une autre signature. Un second élément très typique est fréquemment utilisé par Tilliard ; il s'agit d'une palmette plissée qui se déploie en forme d'éventail au sommet des pieds. Enfin, la traverse inférieure du dossier de nombre de ses grands sièges à la reine présente une ligne peu courante, dessinant une sorte d'accolade ou, si l'on préfère une description plus imagée, un accent circonflexe très étiré. Ses ouvrages se signalent par des galbes purs, élégants, par d'amples proportions et par une sculpture généralement fine, rigoureuse, très bien intégrée aux lignes du siège et jamais surchargée.

L'abondante production de ce menuisier, où ne figurent pratiquement pas de sièges médiocres, comporte principalement de grands fauteuils et des chaises à la reine, des bergères, des canapés, des lits de repos, quelques grands lits. Parmi les modèles les plus remarquables apparus en vente publique au cours des années récentes, mentionnons un canapé et quatre fauteuils à la reine montés à châssis, sculptés de grenades et de fleurs (Paris, 1986), une paire de fauteuils à la reine, également à châssis, sculptés de cœurs et de feuillages, provenant de la Collection Niarchos (New York, 1978) et une paire du même ensemble vendue en 1987 à Paris, où elle atteignit le prix record, pour des sièges français, de 2.7 millions de francs. Signalons aussi un lit à crosse sculpté, avec beaucoup de vigueur, de roses et de feuillages, présenté en 1955-1956 à l'exposition des Grands Ébénistes au musée des Arts Décoratifs (n° 313), une élégante veilleuse qui aurait été exécutée pour la marquise de Pompadour, aujourd'hui au Victoria and Albert Museum de Londres, et une série de six belles chaises à la reine entrées au musée du Louvre en 1911 avec le legs du comte Isaac de Camondo. Enfin, les motifs favoris du menuisier permettent de lui attribuer des œuvres non estampillées. C'est le cas d'un somptueux fauteuil à la reine, monté à châssis, de la Collection Niarchos, sculpté de fleurs, de feuillages et des caractéristiques motifs en forme de cœur inscrits dans des cartouches.


 Bibliographie


"Le Mobilier Français du XVIIIème Siècle"

Pierre Kjellberg
Les Éditions de l'Amateur - 1998