Les LELARGE

Trois générations d'Ébénistes


Jean-Baptiste I LELARGE

Menuisier en sièges travaillant rue de Cléry au milieu du XVIIIe siècle, en particulier pour des marchands. Beaucoup plus connus que lui, son fils puis son petit-fils porteront également le prénom de Jean-Baptiste.


Jean-Baptiste II LELARGE
25 juin 1711 - 13 juillet 1771

Reçu Maître le 14 janvier 1738 

 

Fils de Jean-Baptiste I, il s'établit, comme ce dernier, rue de Cléry. A sa mort, sa veuve lui succédera jusqu'à ce que son fils, Jean-Baptiste III, soit en mesure de reprendre l'atelier, en 1775. Porteur du même prénom que son père, celui-ci conservera la même estampille, si bien que certains sièges fin Louis XV-début Louis XVI peuvent avoir été exécutés aussi bien par l'un que par l'autre. Dans l'ensemble, il est d'usage d'attribuer à Jean-Baptiste II les sièges Louis XV estampillés "I.B. Lelarge".

Contrairement à ce qui a été parfois affirmé, ce menuisier n'a pas produit que des sièges courants; il a réalisé d'excellents modèles au style dépouillé, aux lignes souples et élégantes, tantôt simplement moulurés, tantôt ornés de sculptures bien réparties, sans surcharge et de bonne qualité.

Les sièges qui portent son estampille témoignent de son habileté, à commencer par les fauteuils à la reine discrètement sculptés de fleurs, d'un Louis XV très pur, qui sont entrés au musée du Louvre avec la donation Luzarche d'Azay.


Jean-Baptiste III LELARGE
1743 - 8 octobre 1802

Reçu Maître le 1er février 1775


Il effectue son apprentissage rue de Cléry dans l'atelier de son père, Jean-Baptiste II, et lui succède après avoir reçu ses lettres de maîtrise. Il acquiert rapidement une grande réputation. Si les archives du Garde-Meuble de la Couronne ne mentionnent pas son nom, il travaille abondamment pour une riche clientèle française et étrangère, au sein de laquelle on trouve le roi du Portugal. Son entreprise survivra à la Révolution, et il reprendra une certaine activité jusqu'à sa mort. Il est possible qu'au début de sa carrière, il ait réalisé des sièges Louis XV, mais le fait qu'il utilise la même estampille que son père ne permet pas de l'affirmer. C'est pourquoi seuls les modèles Louis XVI lui sont habituellement attribués.

Les sièges de Jean-Baptiste III témoignent, pour la plupart, d'une classe incontestable. Robustes, sans lourdeur, rigoureusement construits mais sans sécheresse, parfaitement assemblés, ils sont ornés de simples moulures ou de sculptures fines et incisives, bien réparties, sans surcharge. Une quantité de sièges de toutes espèces sort de l'atelier de la rue de Cléry. On peut constater une prédilection pour les modèles à dossier médaillon, que l'on rencontre aujourd'hui en assez grand nombre. Ce dossier est fréquemment supporté par deux montants incurvés sculptés de feuilles d'acanthe. On connaît aussi des fauteuils et des chaises à dossier carré, rectangulaire, en raquette, à chapeau, en anse de panier, ainsi que des bergères, des canapés, des lits de repos et des lits de différentes formes.
Vers la fin du règne de Louis XVI, Lelarge produit des sièges à dossier ajouré, alors très en vogue, tantôt en acajou, tantôt en bois doré, comme les six fauteuils et les six chaises à dossier en gerbe de la donation Grog-Carven au musée du Louvre.

Par leur décor ou leur forme, certains ouvrages de Jean-Baptiste III font preuve d'originalité et méritent d'être signalés. Citons d'abord un important ensemble Transition (quatre fauteuils, deux chaises à dossier cabriolet, un canapé) vendu à Drouot Montaigne le 6 novembre 1991, puis, dans le style Louis XVI, un large fauteuil à dossier médaillon, plus abondamment sculpté de feuillages que les modèles classiques, naguère dans la collection Carlhian ; une paire d'ottomanes aux lignes capricieuses, très sculptées (palais Galliera, 21 mars 1968, anc. coll. Viguier); un grand canapé de forme, au contraire, très rigoureuse, à dossier enveloppant, six pieds cannelés, L. 205 cm ( Drouot, 4 décembre 1987); des sièges à pieds en X, pourvus d'un dossier basculant formant prie-Dieu; un fauteuil de musicien pivotant à dossier gondole (Drouot, 4 avril 2001); enfin, une paire de très curieux petits canapés à pieds fuselés dont la ceinture dessine un ressaut central semi-circulaire à l'usage, dit-on, des dames vêtues de robes à panier (vente à l'hôtel Drouto, 10 décembre 1948). Il reste à mentionner, pour l'ingéniosité de sa conception, une curieuse chaise longue à dossier inclinable, reposant sur des petites roues actionnées à l'aide d'une manivelle, exécutée vers 1785 pour un client invalide ou malade. 
Sans pour autant égaler le génie créatif de ses illustres confrères, ces sièges hors série évoquent parfois l'art des Jacob et des Sené. 


Bibliographie
 
"Le Mobilier Français du XVIIIème Siècle"
 Pierre Kjellberg
 Les Éditions de l'Amateur - 2002