Les Sené



Claude I SENE
1724 - 24 Juillet 1792

Reçu Maître, le 20 juillet 1743
 

Fils de Jean Sené, il s'associe avec son beau-frère, Jean-Etienne Saint-Georges, qui vient de reprendre, en 1747, l'atelier de son père rue de Cléry, à l'enseigne du "Grand Saint-Georges". Toutefois, les deux hommes travaillent individuellement et signent chacun leurs propres œuvres.

Claude I Sené a estampillé de très bons sièges Louis XV à la reine, de formes amples et élégantes, fréquemment montés à châssis, ainsi que des sièges en cabriolet. Selon quelques auteurs, Claude Sené, au début de sa carrière, aurait confié la sculpture de certains de ses sièges à Nicolas Heurtaut qui travaillait également rue de Cléry.

Les sièges Louis XVI de Claude I sont rarissimes si l'on excepte un important canapé à confidents présenté à l'exposition des Grands Ebénistes et Menuisiers, au musée des Arts décoratifs en 1955-1956 (n° 293).

Cette rareté des modèles néoclassiques chez un menuisier ayant travaillé jusqu'en 1780 semble peu crédible. Compte tenu des fréquentes imprécisions constatées dans les catalogues de vente à propos des estampilles, on peut se demander s'il n'est pas l'auteur de certains de ces sièges Louis XVI systématiquement attribués à son second fils, Claude II.



 Claude II SENE
(dit le Jeune)

Reçu Maître, le 31 juillet 1769


Fils cadet de Claude I Sené et frère du célèbre Jean-Baptiste Claude, il travaille rue du faubourg Saint-Denis mais doit déposer son bilan en 1783. Un an plus tard, il reprend son activité et installe son atelier rue de Cléry, à proximité de celui de son frère. Il aurait reçu quelques commandes du Garde-Meuble de la Couronne, mais il semble avoir surtout travaillé pour une clientèle privée. Sa production cessera avec la Révolution, mais on ignore la date de sa mort. Il a laissé d'excellents sièges Louis XVI, élégants, bien dessinés, très délicatement sculptés. Ses modèles, notamment des fauteuils à dossier écusson, rappellent souvent ceux de son frère aîné, mais n'étant pas destinés à la cour, ils sont décorés avec plus de simplicité. 

Il a produit aussi quelques sièges en acajou et des fauteuils de bureau pivotants, à pieds en console, dans le genre de ceux de Georges Jacob. On ne connaît pas d'ouvrages Louis XV de Claude II Sené, ce qu'explique aisément la date de son accession à la maîtrise. En revanche, il est possible que des ouvrages néoclassiques mentionnés sous son nom aient été réalisés par son père, lequel travailla jusqu'en 1780. Leurs estampilles paraissent avoir prêté à confusion bien qu'elles soient différentes. Celle de Claude II est rédigée avec un C et un N normalement tracés et en caractères plus petits que celle de Claude I.



 Jean SENE
(dit le Père)



 Né à la fin du XVIIe siècle, ce menuisier, le premier d'une lignée célèbre, travaille rue de Cléry après avoir obtenu la maîtrise à une date que l'on ignore. Il n'utilise une estampille "Sené le père", sur deux lignes, qu'à partir du moment où les nouveaux statuts, promulgués en 1743 et enregistrés en 1751, la rendent obligatoire. Sans doute a-t-il cessé son activité peu après car on ne connaît qu'un très petit nombre d’œuvres signées. Il s'agit de sièges de style Louis XV, voire encore Régence, de très bonne fabrication, certains richement sculptés. Citons deux grands fauteuils à la reine, ornés de grenades, de rinceaux et de feuillages, vendus à Paris le 4 juin 1958 (n° 232) avec la collection Y. Chasseriau. Jean Sené a produit également des sièges cannés, dont une grande chaise longue, d'esprit très Régence, passée en vente à Paris le 30 novembre 1947.


 Jean-Baptiste Claude SENE
24 octobre 1747 - 10 février 1803

Reçu Maître, le 10 mai 1769



L'originalité et l'exceptionnelle qualité de son œuvre font de ce menuisier le grand maître du siège français du temps de Louis XVI, au même titre que Georges Jacob, qu'il égale et parfois surpasse.
Fils aîné de Claude I Sené, il est, sans conteste, le plus célèbre de cette lignée de menuisiers parisiens. Etabli rue de Cléry, à l'enseigne du "Gros Chapelet", il acquiert rapidement une grande notoriété. La première partie de sa carrière se déroule au service d'une clientèle privée à laquelle il fournit des sièges Louis XVI aux lignes pures, très soignés, très raffinés, parfaitement proportionnés, mais classiques.

A partir de 1785, il devient, avec Jean-Baptiste Boulard, qu'il va progressivement supplanter, fournisseur du Garde-Meuble de la Couronne. C'est le début d'une production de très haut niveau. Elle est destinée au Roi et à la Reine pour leurs châteaux de Saint-Cloud, Versailles, Compiègne, Fontainebleau, à divers membres de la famille royale, dont Madame Elisabeth à Montreuil et Madame Louise à Saint-Denis, au comte de Provence, au prince de Condé, au duc de Penthièvre, et. Certaines commandes sont si importantes qu'elles sont partagées entre Sené et Boulard.

Il est juste de préciser que, dans la majorité des cas, les ouvrages que signe Jean- Baptiste Sené sont, en réalité, le résultat d'un travail collectif. Selon l'organisation adoptée à cette époque, la commande est passée par le sculpteur Jean Hauré, "chargé de la direction des travaux en ébénisterie, sculpture et dorure pour le service du Garde-Meuble". C'est lui qui fournit les instructions, les dessins, les maquettes. Sené réalise et prépare les bâtis que décorent les sculpteurs Alexandre Régnier, Pierre Laurent, Nicolas Vallois ou Guérin, voire Hauré lui-même. Peinture ou dorure sont confiées à Chatard. Mais, en réalité le rôle du menuisier, qui fait office de maître d'ouvrage reste primordial. C'est de lui que dépendent l'équilibre et l'harmonie des proportions, la bonne répartition des motifs sculptés, bref, la réussite du siège.

L'oeuvre de Jean-Baptiste Sené ne comporte que des sièges Louis XVI, si l'on excepte de très rares exemplaires Transition, dont la copie, en 1791, d'un somptueux fauteuil à la reine d'origine inconnue, extrait des magasins du Garde-Meuble. Les deux sièges, l'original et la copie de Sené, étaient destinés à Madame Elisabeth au château de Fontainebleau mais ne lui parvinrent jamais en raison de la Révolution. Ils s'y trouvent aujourd'hui.

Lorsque Sené commence à travailler pour la Cour, en 1785, les ordres précis qu'il reçoit du Garde-Meuble imposent, sans aucun doute, une limite à ses aspirations personnelles. Pourtant, ses sièges royaux ou princiers présentent des caractéristiques qui permettent souvent de les identifier et de les différencier de ceux de Georges Jacob. Les œuvres de l'un comme de l'autre illustrent parfaitement ce que l'on peut appeler "le style royal" : ampleur des formes, proportions majestueuses, ornementation abondante, exécution irréprochable. Notons toutefois chez Sené une tendance à des formes plus légères, à des attaches plus fines, à des décors plus sobres, à un style plus racé.

Côté détails, il faut davantage parler de préférences que de constantes ou d'exclusivités. Préférence pour des colonnettes cannelées détachées encadrant le dossier, pour un chapiteau ionique ou encore une couronne de feuillages formant un renflement au sommet des pieds, pour des cannelures torses, pour un ornement en forme de petite flamme surgissant d'une volute au raccord de l'accotoir et du dossier, pour certains dossiers en forme d'écusson.
D'autres sièges, n'offrant pas de caractères aussi nets, ont parfois été confondus avec ceux de Jacob. Il est certain que Sené a subi l'influence de ce dernier (son aîné de neuf ans), notamment dans ses sièges en acajou à dossier ajouré, et l'on sait que, sur commande, il lui est même arrivé d'en copier certains modèles.

Durant sept ans, de 1785 à 1791, les archives du Garde-Meuble détaillent les très nombreuses livraisons effectuées par Sené pour les maisons royales. Il s'agit aussi bien d'ouvrages courants pour les appartements de service que de mobiliers de luxe. En ce domaine, il apparaît que les commandes les plus considérables que Sené a reçues concernent le château de Saint Cloud, acheté pour la Reine en 1785. Presque toutes ces commandes ont été livrées au cours de l'année 1788.

Des commandes sont également passées à Jean-Baptiste Sené pour de hauts personnages du royaume. En 1786, il livre un canapé et douze grands fauteuils à la reine, à dossier en anse de panier, pour le salon du contrôleur général des Finances à Versailles. Toujours en 1786, vingt-huit fauteuils à haut dossier rectangulaire sont exécutés "pour le service de l'Académie française au Louvre".  Le 19 mars 1787, vingt-quatre chaises à dossier lyre, en acajou mouluré, sont livrées à Versailles pour le salon de la princesse de Lamballe.

Il resterait encore à identifier les destinataires d'un certain nombre d'importants ensembles appartenant à des musées ou à des collectionneurs privés. Citons notamment le canapé, les huit fauteuils et les deux bergères à dossier écusson surmonté d'une couronne de roses, pieds à cannelures torses (musée Nissim-de-Camondo), ayant appartenu au baron de Charette ; les quatre fauteuils pratiquement identiques, mais non estampillés, provenant de la collection du duc d'Harcourt, vendus à Paris le 15 novembre 1983 (coll. A. Tannouri) ; le canapé et les huit fauteuils à dossier droit, recouverts de tapisserie d'Aubusson (Monaco, 26 juin 1979 ; coll. A. Ojjeh) ; le canapé et les dix fauteuils à dossier médaillon portant la marque du château d'Eu ; le canapé et dix fauteuils à dossier en anse de panier de l'ancienne collection Chappey dispersée en mai 1907 ; les quatre fauteuils et les quatre chaises à dossier cabriolet, avec un petit canapé et quatre chauffeuses à dossier à crosse (les seules estampillées), colonnettes détachées et pieds fuselés (Monaco, 15 juin 1981) ; enfin, les quatre chaises à dossier en anse de panier, similaires à celles de la salle à manger de Madame Elisabeth à Montreuil, mais livrées pour le Garde-Meuble de la Couronne au château de Versailles, et estampillées, trois de Sené, une de Boulard (Drouot, 29 octobre 1997).

Durant la Révolution, Sené fournit aussi des ouvrages pour différents membres des gouvernements successifs. On connaît, en particulier, des chaises Directoire en acajou, simples mais de fabrication soignée, sans doute destinées à une assemblée de représentants, dont le dossier, ajouré en gerbe, porte le nom d'un département ou d'une ville. Citons encore une série de grands fauteuils en acajou aux pieds antérieurs constitués de griffons ailés, dossier ajouré en grille, les uns signés de Sené, les autres de Georges Jacob, enfin, quelques meubles réalisés vers 1800.  Ces diverses et ultimes fabrications ne s'inscrivent qu'en marge d'une production de haute qualité qui, principalement consacrée à l'ameublement des demeures royales, a souffert plus que toute autre des dispersions de la période révolutionnaire, et dont une grande partie reste à découvrir.


Bibliographie


"Le Mobilier Français du XVIIIè Siècle"
  Pierre Kjellberg
  Les Editions de l'Amateur - 2002