Antide JANVIER

1751 -1835


Fils de Claude-Etienne Janvier, agriculteur et horloger et de Françoise Tournier, Antide Janvier naquit dans la paroisse de Saint-Romain à Brive, un hameau faisant aujourd'hui partie de l'arrondissement de Saint-Claude. Il fut baptisé le jour même de sa naissance le 1er juillet 1751 dans l’église de Saint-Lupicin, et reçut le prénom de son parrain qui était probablement son grand-père. Trois ans plus tard naquit son frère Joseph et peu après Claude-Étienne déménagea à Saint-Claude (Rue Neuve) pour se consacrer entièrement à l'horlogerie. Après le décès prématuré de sa femme, il dut élever tout seul ses deux fils et confia Antide âgé de douze ans, sans doute déjà initié à l'horlogerie, aux soins de l'Abbé Jacques-Joseph Tournier (1690-1766). Tournier, malgré quelques idées aberrantes, fut un passionné de mécanique, d'astronomie et de l'application de l'une à l'autre. Plus tard, Janvier écrivit de lui : "Il possédait parfaitement l'art de calculer les rouages et de juger de leur effet ; il m'enseigna les éléments de cet art". En même temps, Tournier transmit à son élève une bonne connaissance du latin et peut-être un goût pour le symbolisme occulte qui le conduisit à adhérer à la franc-maçonnerie.

Très doué et sûrement influencé par son mentor, Janvier, âgé d'à peine quinze ans, entreprit peu avant le décès de Tournier la construction d'une sphère planétaire qu'il présenta en 1768 à l'Académie des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Besançon où elle fut très applaudie. Après un séjour de trois ans à Besançon, où il restaura, avec quelque maladresse, l'horloge à calendrier et astrolabe qui avait appartenu vers 1545 au Cardinal Granvelle, il rentra à Saint-Claude. Là, il travailla de nouveau sur les sphères planétaires dont une fut peut-être montrée à Louis XV pendant une brève visite à Paris en 1773. En 1775, il présenta une deuxième paire de sphères à l'Académie de Besançon avant de s'établir comme horloger à Verdun où il épousa sa première femme Anne-Catherine Guyot. En 1783, il obtint le titre d'Horloger-mécanicien de Monsieur, frère du Roi.

En 1784, Janvier retourna à Paris où, grâce au soutien de l'astronome Lalande et de Papillon de la Ferté, Intendant des Menus-Plaisirs, il fut reçu par Louis XVI qui lui acheta sur-le-champ une paire de sphères mécaniques (l'une ptolémaïque, l'autre copernicienne), enthousiasmé par ses travaux le roi le rattacha à l'administration des Menus Plaisirs. La même année, il s’installa définitivement à Paris. Là, il reçu commande d'une horloge polycamératique pour l’École Lyrique avec la charge de l’entretenir.  Le contrat lui attribuait un logement dans l'école et, par conséquent, la liberté de pratiquer son art en dehors de la juridiction de la communauté des horlogers de Paris.

Ainsi établi et jouissant d'une réputation européenne, Janvier créa des mécanismes savants et entreprit la fabrication d'une longue série d'horloges originales et de très grande qualité pour la haute société parisienne et la Cour. Pour cette clientèle exigeante et savante il fabriqua des pendules à la fois décoratives et sophistiquées et sut s'entourer des meilleurs artisans de l'époque pour parfaire ses créations. Pour les caisses et l'ébénisterie, les interventions de Schwerdfeger, Jacob et Riesener sont avérées tandis qu'il collabora avec le bronzier Martincourt et les célèbres émailleurs Coteau et surtout Dubuisson pour décorer les cadrans. Parallèlement, il produisit des pièces exceptionnelles, telle son horloge des marées et, plus tard son horloge départementale qui indiquait l'heure dans chacun des nouveaux départements. Néanmoins, sa passion pour les horloges astronomiques ne fléchit pas, et de temps à autre il fit l’acquisition d'objets comme l'une des sphères de Pigeon et une horloge en forme de globe conçue par Outhier et Catin.

A la chute de la monarchie et la disparition de la cour en 1792 (l'année du décès de sa femme), Janvier s'adapta au nouveau régime. En 1793, il demanda et obtint un appartement au Louvre, signe de sa reconnaissance, et entreprit des missions pour la Commission temporaire des Arts qui le chargea de dresser l'inventaire de "toutes les machines métiers, instruments et autres objets utiles à l'instruction publique, appartenant à la nation". Devenu membre de cette commission chargée de localiser et d’inventorier les biens culturels confisqués, pour les mettre à la disposition des établissements publics et malgré de telles obligations, Janvier entama à ce moment la décennie la plus féconde de sa vie, créant de nouveaux modèles de pendules et réutilisant de plus anciens. Entre 1788 et 1801, il réalisa notamment ses deux chefs-d’œuvre : les pendules astronomiques à quatre faces couronnées par des sphères mécaniques. La première des deux, acquise par Louis XVI en avril 1789, fut placée aux Tuileries et disparut dans l'incendie de 1871. La seconde est aujourd’hui conservé dans une collection privée étrangère (voir A. Kugel, Sphères, l'art des mécaniques célestes, cat. expo. galerie J. Kugel, Paris, 2002).

A partir de 1803-1804, Janvier profita d'un appartement spacieux au Collège des Quatre Nations rebaptisé Collège des Arts, lequel devint, en 1805 le siège permanent de l'Institut National. Il vécut là presque tout le reste de sa vie, mais dans des conditions financières de plus en plus difficiles. En 1810, il se mit en faillite et une bonne partie de son stock fut vendu aux enchères. Néanmoins, il resta actif, écrivit plusieurs ouvrages, participa à des expositions nationales, mais il ne parvint jamais à terminer la restauration de l'étonnante pendule astronomique de Passemant à Versailles. En 1818, il se remaria avec Sylvie-Thérèse de la Tour (1779-1859). Malgré un caractère de plus en plus difficile, Janvier fut aidé jusqu'à la fin de sa vie par une poignée d'amis fidèles et notamment son ancien élève B.H. Wagner. La mort l'emporta le 24 octobre 1835.

Durant sa vie, longue, active et turbulente, Janvier produisit à peu près six cents pendules. Nous en connaissons aujourd'hui à peine le dixième mais elles suffisent à illustrer son génie. Ces pendules sont toutes d'une haute originalité, la complexité de leurs cadrans et mécanismes contrastant avec la sobriété de leurs caisses. Pierre Mesnage caractérise ainsi l’œuvre de Janvier : "Au-dessus de tout, caractère d'instrument scientifique donné à l'horloge, mais souci esthétique extrêmement vif dans la sobriété décorative: complication des fonctions, mais simplicité de leur réalisation par des mécanismes et des rouages particulièrement judicieux ; classicisme des solutions proprement horlogères comme les échappements ou la compensation, mais remarquable variété d’inventions dans  les combinaisons cinématiques ; enfin perfection de l'exécution aussi bien dans les mouvements que dans les parties accessoires".



Références Bibliographiques

Augarde, Jean-Dominique & Ronfort, Jean Nérée, Antide Janvier, mécanicien-astronome, Horloger ordinaire du Roi, Paris 1998

Gros, Georges, 'Andide Janvier, éléments biographiques à l'occasion du bicentenaire de sa naissance, 1751-1951', Bulletin de l'ANCAHA, XVII, 1977, p. 106-26

Hayard, Michel. Antide Janvier 1751-1835, horloger des étoiles, Villeneuve-Tolosane, 1995

Mesnage, Pierre, 'L’œuvre horlogère d'Antide Janvier', Bulletin de l'ANCAHA, XV, 1975, p. 7-38

Reverchon, Léopold, 'Antide Janvier, horloger-astronome (1751-1835)', Annales françaises de Chronométrie, 1935, p. 242-253