Les Saunier


Claude-Charles Saunier, reçu maître en 1752, est le plus illustre représentant d'une dynastie d'ébénistes parisiens du XVIIIème siècle.
Sa production marquée à ses débuts par l'influence des Chevallier et d'Oeben, évolue vers un style personnel et raffiné, caractérisé par la variété de ses décors : jeux de placages précieux, panneaux de laques orientales, plaques de porcelaines et de Wedgwood...





Charles SAUNIER

Maître ébéniste dans la première moitié du règne de Louis XV, il possédait un atelier rue du Faubourg-Saint-Antoine. Il aurait estampillé certains de ses ouvrages de son nom sans initiale de prénom. Ses deux fils, Jean-Charles et Jean-Baptiste, seront également ébénistes, ainsi que son petit-fils, Claude Charles, qui restera le plus célèbre de la lignée. Indiqué comme étant l’œuvre de Charles Saunier, un petit bureau plat Louis XV en placage de bois de rose, L.115 cm, a été vendu à New York le 16 mai 1987.


Claude-Charles SAUNIER
1735 - 16 août 1807

Reçu Maître le 31 juillet 1752





Fils et petit-fils d'ébénistes, Claude-Charles Saunier travaille avec son père, dans l'atelier familial de la rue du Faubourg Saint-Antoine à l'enseigne de l’Étoile d'or. Et c'est seulement au moment où il lui succède, en 1765, qu'il fait enregistrer ses lettres de maîtrise. Encore jeune, il adopte les idées nouvelles. En dehors de quelques ouvrages Louis XV, sa production appartient essentiellement aux styles Transition et Louis XVI. Sa réputation s'étend très vite, non seulement en France mais à l'étranger, notamment à Londres. Il travaille pour le marchand Daguerrre, qui compte parmi sa clientèle de grands collectionneurs d'outre-Manche dont Lord Spencer. 

Dès le début de sa carrière, Saunier met au point un type de commode particulièrement original. Bien qu'elle repose sur des pieds galbés (mais si peu), on ose à peine la rattacher au style Transition tant elle relève ce goût prononcé pour les volumes rigoureux, les lignes droites, les surfaces strictement délimitées dont l'ébéniste ne se départira pratiquement jamais. 

Au cours de ces années, il utilise l'acajou, qui représente 30% de sa production, sous toutes ses formes : uni, moucheté, flammé. La discrétion des ornements de décor imprègne l'ensemble de ces meubles : commodes, bonheurs-du-jour, secrétaires, meubles d'entre-deux et consoles-dessertes, dont il se fait une spécialité (environ 125 consoles portent son estampille). La console en acajou du Rijksmuseum d'Amsterdam appartient à cette époque phare de l'Etoile d'or.
Afin de mettre en valeur les placages, i
l les choisit de très bonne qualité (en bois de rose, en satiné, en bois de violette) et les dispose en grandes surfaces, utilisant le jeu coloré des veinures et des noeuds et les inscrit dans des encadrements d'amarante que souligne un filet de buis ou de sycomore, seul élément de marqueterie le plus souvent. 

Peu de bronzes, tout au plus des anneaux de tirage, parfois même rejetés dans les angles, et quelques moulures qui se contentent de limiter les panneaux et d'accuser la rigoureuse et discrète élégance du meuble.Laque et vernis n'apparaissent qu'assez rarement dans l’œuvre de Saunier et ce sont encore de grandes feuilles de placage qu'il utilise en priorité pour orner ses meubles de style Louis XVI.Si il emploie largement l'acajou, il marque une prédilection pour le citronnier qu'il l'utilise en grandes surfaces mettant ainsi sa luminosité en valeur. 

Les années 1770-1780 sont aussi pour Saunier l'occasion de collaborer avec des marchands-merciers comme Daguerre. Le secrétaire en cabinet orné de plaques de porcelaine de Sèvres illustre cette collaboration. Parallèlement, Saunier développe sa propre clientèle en tant que marchand, dans son atelier de l’Étoile d'or.

Claude-Charles Saunier, bien plus qu'un artisan, est aussi un esprit "éclairé" à l'image de son siècle. La diversité de sa production est le témoignage vivant de son insatiable curiosité. Il est l'un des rares maîtres ébénistes à posséder et maîtriser une telle variété de techniques, marquant sa production d'une grande originalité. Ses réalisations dictées, ou non, par des marchands-merciers ont traversé les frontières du royaume, diffusant ainsi à travers l'Europe une certaine idée du goût français.






Claude-Charles SAUNIER
1735 - 16 August 1807

Master in 1752



Born into a family of ébénistes established in the rue du Faubourg Saint-Antoine, Saunier obtained his mastership very early but did not register it until 1765 when he took over the family workshop in which he had previously been working. He kept this workshop in the rue du Faubourg Saint-Antoine opposite the rue Saint-Nicolas at least until 1799, producing luxury furniture, all in Neo-classical taste. These veneered pieces are marked by their sobriety of line and the beauty of their wood, mainly tulipwood applied in large sheets in horizontal strips.

Between 1765 and 1775 Saunier frequently produced a type of transitional commode with rectangular shape and lighly curved legs using tulipwood with a wide horizontal grain. He used fashionable woods such as ebony and mahogany as well as satinwood from 1785 onwards. On all these pieces the wood is arranged to form contrasting colours; tulipwood and ebony or satinwood and amaranth. He produced bureaux plats of simple form, the architectural details of which were emphasized by square tapering legs and the presence of gilt-bronze triglyphs between the drawers. From 1785 to 1790 Saunier perfected a type of bonheur-du-jour in satinwood with a stand fitted with  glazed doors of which the lower part forms a console-desserte with rounded corners.

Certain rare pieces exist which are stamped by Saunier and decorated with Sèvres porcelain plaques. In the Wildenstein Collection, for example, there was a small table from the Château de Bellevue dating from 1786. Here is proof that Saunier must have worked for the marchand Daguerre, who had the monopoly of the supply of porcelain plaques from Sèvres. Collaboration between Saunier and Daguerre is further indicated by the existence of several pieces signed by Saunier at Althorp in the Spencer Collection, which Daguerre supplied in about 1790.

Finally, various pieces in citronnier supplied by Daguerre in 1786-87 to the Garde-Meuble Royal seem to be identifiable with works by Saunier, such as the two bonheurs-du-jour in bois jaune (also called 'noyer de la Guadeloupe'), one delivered to the Queen at Choisy in 1786 for 648 livres, together with a complete suite of furniture in bois jaune (also probably his work, unless it is by RVLC or probably by Weisweiler, further suppliers of Daguerre). One piece of furniture in bois jaune from this series which it is possible to identify today is the secrétaire à abattant sold at Sotheby's London on 12 November 1965, lot 41. This secrétaire, stamped by Saunier, also bears the ink mark of the Château de Versailles and corresponds to the 'secrétaire en armoire, 3 pieds in length, in noyer de la Guadeloupe' supplied on 10 March 1787 to the Duc d'Harcourt at Versailles for 672L.

Saunier was also the maker of numerous pieces in lacquer, some Chinese or more rarely Japanese, and some in tôlework imitating Japanese lacquer. This technique, perfected by Samousseau in about 1767, sough no doubt to circumvent the problems of European lacquer on wood which was easily damaged. However, as metal is even more susceptible than wood to the rapid contractions and expansions caused by temperature change, the result is that these tôle-work panels are covered in innumerable small cracks. The best-known examples are the commode à l'anglaise in the Biron Collection and a cylinder bureau formerly at Mentmore. Saunier's career continued into the Directoire - he is recorded in the almanacs until 1799. He retired to the rue Saint-Claude and died in 1807.



Jean-Baptiste SAUNIER

Maître le 29 juillet 1757



Second fils de Charles Saunier, il habite rue de Charenton, où son activité est attestée jusqu'au début des années 1780. Il a exécuté des meubles de très bonne qualité, en particulier des commodes Louis XV en bois de rose marqueté de fleurs en plein ou en réserve sur fond de croisillons, ou encore en vernis européen décoré dans le goût des laques de Chine. On lui connaît aussi quelques ouvrages en acajou, dont une commode Transition à ressaut.


Jean-Charles SAUNIER

Maître le 27 août 1743


Fils aîné de Charles Saunier, il reprend l'atelier que son père possédait rue du Faubourg Saint-Antoine et fournit, notamment, son confrère Jean-François Oeben.

Il semble avoir vécu et travaillé jusque dans les années 1760, car son fils, Claude-Charles, qui avait obtenu ses lettres de maîtrise dès 1752, ne les fera enregistrer qu'en 1765, afin de lui succéder. Cet ébéniste a laissé des meubles Louis XV de bonne fabrication, revêtus de bois de rose, de satiné, de bois de violette ou de palissandre plaqués en feuilles ou marquetés en quadrillages réguliers.

Jean-Charles Saunier pratique aussi la marqueterie florale. Son estampille figure sur des commodes, dont certaines encore très proches des commodes dite "en tombeau" de la Régence et d’autres à deux rangs de tiroirs, avec ou sans traverse, ainsi que sur quelques bureaux plats, des bureaux " en pente" ou des petites tables. 


Bibliographie

"Le Mobilier Français du XVIIIe Siècle"
  Pierre Kjellberg
  Les Éditions de l'Amateur - 2002


  Extrait de :
  L'Estampille L'Objet d'Art n° 373