David ROENTGEN
11 août 1743 - 12 février 1807

Reçu Maître, le 24 mai 1780

 

Justement célèbre pour son exceptionnel talent et sa forte personnalité, cet ébéniste allemand, à l'inverse de ses compatriotes établis à Paris, ne possèdera jamais d'atelier dans la capitale. Il y obtient pourtant la maîtrise en 1780, ouvre un dépôt et travaille pour de nombreux clients français, dont le Roi et la Reine. Aussi ne peut-on ignorer son importante production bien qu'elle ait vu le jour au-delà des frontières.

Son père, Abraham Roentgen, (1711 - 1793), ébéniste déjà fort réputé, avait installé ses ateliers à Neuwied-sur-le-Rhin, près de Coblence, en 1750. David, né à Herrnhag, près de Francfort, débute très jeune, sans doute dans l'atelier paternel. Comme son père, il va beaucoup voyager en Allemagne, en Autriche, en Russie et en France, où il se rend, pour la première fois, en 1774, puis en 1779, pour y présenter de nombreuses œuvres de sa fabrication. Son succès y est alors immédiat et considérable.
Le Roi lui-même lui achète un grand bureau à cylindre pourvu d'une horloge et d'une boîte à musique...
Il ouvre un dépôt rue Saint-Martin, les commandes affluent, tant de la part de la cour que de la clientèle privée, en même temps qu'augmente l'hostilité de la corporation des menuisiers-ébénistes parisiens, si bien que, dès 1780, il sollicite et obtient ses lettres de maîtrise. Il peut alors ouvrir son propre magasin dans le quartier Saint-Honoré. Une annonce publicitaire le fait bientôt connaître : "Il y a dans le magasin du sieur David Roentgen, ébéniste, ci-devant rue Saint-Martin [...] et à présent rue de Grenelle, la 1ere porte cochère à dr. par la rue Saint-Honoré, des Bureaux de différentes formes, des Fauteuils de cabinet, des Tables à toilette, des Coffres-forts mécaniques, Piano-forte, Tables à quadrille, à tric-trac et autres en bois d'Acajou bien fini et poli comme le marbre. Le même entreprend toutes sortes d'Ebénisterie" (Annonces, Affiches et Avis divers, 8 janvier 1781).
Sur une étiquette, où figure, en frontispice, une vue de la ville de Neuwied -c'est d'ailleurs la raison sociale de son magasin-, Roentgen s'intitule ébéniste-mécanicien du Roi et de la Reine.

Tandis que son succès ne cesse de croître en France, David Roentgen dirige, à Neuwied, une véritable entreprise. Ses ateliers comptent plus de cent ouvriers spécialisés, marqueteurs, bronziers, mécaniciens, horlogers, etc. Il fournit plusieurs souverains d'Europe, le roi de Prusse, l'empereur d'Autriche, l'impératrice Catherine II de Russie et de grands seigneurs comme l'archevêque Charles de Lorraine. Outre celui de Paris, il possède des dépôts à Berlin et à Vienne. Entre 1783 et 1791, il livre une quantité considérable de meubles à la Grande Catherine, qui admire leur "grande exactitude de travail, surtout ceux où il y a de la mécanique ". La souveraine écrit à Grimm : "David Roentgen et ses deux cent caisses sont arrivés sains et saufs, à point nommé pour apaiser ma fringale." Plusieurs de ces ouvrages subsistent aujourd'hui au musée de l'Ermitage,à Saint Pétersbourg.
La révolution française va porter un coup fatal à cette brillante réussite en privant l'ébéniste d'une partie de sa clientèle.
En dépit de son statut d'étranger, Roentgen voit tous les biens qu'il possède à Paris saisis par le pouvoir. En 1794, il doit s'enfuir de Neuwied sous la menace des armées révolutionnaires, qui pillent ses ateliers. Il parvient à sauver une partie de ses œuvres et réside à Berlin puis à Gotha. La tourmente passée, il revient, à Neuwied, où il reprend ses activités, en 1802. Il meurt cinq ans plus tard, en 1807, à Wiesbaden.

La quasi-totalité de la production de David Roentgen est empreinte de néoclassicisme, dont il subit des influences multiples : celle du mobilier hollandais, celle du Chippendale anglais et, bien entendu, celle des ébénistes parisiens, dont la renommée est universelle, la plupart des meubles qu'il livre à sa clientèle évoquant leur production sans, pour autant, s'y assimiler, un certain esprit germanique dominant ses ouvrages. Très rares sont, en effet, ceux marqués d'une estampille. 

Parmi son immense production comprenant des secrétaires, des bureaux à cylindre, des cabinets, des tables, dont la plupart à mécanismes, figurent les fameuses et emblématiques tables, dites "à la Tronchin", dont le modèle fut inventé, en 1777, par Théodore Tronchin (1709 - 1781), célèbre médecin genevois, en collaboration avec avec l'ébéniste-mécanicien Louis Dufour. 


Musées

David Roentgen est représenté dans de nombreux musées :

Paris, Musée des Arts et Métiers

  • Régulateur en acajou supporté par deux demi-colonnes cannelées signé "Roentgen et Kinzing à Neuwied, 1784"
  • Automate représentant une joueuse de tympanon par Kinzing, socle en acajou par Roentgen, (acquise par Marie-Antoinette, en 1785)

Paris, Musée du Louvre

  • Bureau cylindre en bois de violette et citronnier, provenant de l'Impératrice Catherine II de Russie, à laquelle il aurait été offert par Louis XVI
  • Coffret à bijoux en forme de sarcophage en acajou moiré

Paris, Musée Nissim de Camondo

  • Coffret à bijoux marqueté de fleurs et de rubans
  • Table ovale marquetée de fleurs nouées de rubans
  • Un meuble d'appui en acajou avec un vantail au chiffre de Marie-Antoinette

Versailles, Château de Versailles

  • Bureau cylindre à caissons en acajou reposant sur huit pieds en gaine, dont un médaillon en bas-relief représentant le profil du Roi
  • Petite Table à ouvrage de forme ovale, ornée d'une scène chinoise

Londres, Victoria and Albert Museum

  • Commode à trois vantaux ornée d'une marqueterie à motifs de scènes de la comédie italienne
  • Encoignure marquetée d'oiseaux
  • Bureau plat orné de motifs en marqueterie symbolisant le commerce et de plaques de porcelaine de Sèvres
  • Coiffeuse à transformation
  • Petite Table, de forme ovale en marqueterie représentant Enée portant Anchise
  • Table, de forme ovale, marquetée de fleurs
  • Secrétaire à pans coupés marqueté de fleurs

Cleveland Museum of Art

  • Bureau plat à caissons

Malibu (Californie), Paul-Getty Museum

  • Bureau cylindre orné d'un bas-relief à l'antique, provenant de l'ancienne collection du Baron de Rédé

New York, Metropolitan Museum

  • Bureau cylindre à marqueterie de fleurs
  • Bureau cylindre à décor de scènes de chinoiseries
  • Petite Table, de forme ovale marquetée de fleurs

Berlin, Staatliches Museum

  • Bureau cylindre marqueté d'une grande scène de chinoiseries à corps supérieur ouvrant par deux portes vitrées, offert par Marie-Antoinette au Pape Pie VI

Amsterdam, Rijksmuseum

  • Petite Table, de forme ovale, marquetée d'une scène de chinoiseries et de trophées marins
  • Petite Table , de forme ovale, marquetée d'une scène à l'antique représentant Enée portant Anchise

Saint Petersbourg, Ermitage

  • Trois Bureaux cylindres monumentaux marquetés de scènes de chinoiseries, dont un à abattant et quatre colonnes cannelées, en façade, compartiments secrets et mécanisme musical de Peter Kinzing.